Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/427

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« Vous n’êtes seulement pas à la question.

« I. Quand votre théorie serait aussi irréprochable que vous paraissez le croire, qu’est-ce qu’il s’ensuivrait ?

« Que vous auriez donné une déduction de la Justice, telle à peu près qu’elle doit exister dans une nature saine, dans un sujet vierge et sortant des mains de Dieu ; vous auriez montré la Justice comme il est de foi dans l’Église que l’homme la posséda au Paradis terrestre, avant qu’il se fût laissé corrompre à la suggestion du tentateur.

« Dans cet état d’innocence, nous voulons bien vous l’accorder, la Justice serait conforme à vos définitions. Ce n’est pas à une pareille morale que nous disons anathème.

« Mais cette virtualité de Justice dont vous prenez tant de peine à développer les applications, cette énergie victorieuse de notre faculté juridique, existe-t-elle au point que votre théorie le suppose ? Là est la question, et cette question, vous ne l’avez pas même touchée.

« Or l’Église, et tous les peuples avec elle d’un consentement unanime, attestent, et l’expérience de toute l’histoire prouve, que la Justice dont vous parlez est perdue, que l’âme humaine est infectée, que cette infection profonde rend en elle le sentiment du droit et du devoir inefficace ; qu’un supplément de secours lui est indispensable pour faire le bien que la société attend d’elle et que lui commande son Auteur.

« Voilà ce que dit l’Église, et que vous ne voulez pas entendre. Niez-vous, par hasard, l’existence du mal, vous qui l’imputez à la religion ?

« Or, si le mal existe, si le mal déborde, comment l’expliquez-vous dans votre théorie ? D’où vient que la Justice immanente ne le refoule pas ? Qu’est-ce qui l’empêche, cette Justice ? Qui rend la conscience si faible, si inerte,