Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/429

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l’histoire de la chute, faire l’auteur de toute Justice auteur du péché !…

« Et quel remède à cet esclavage, grand philosophe ? Quel sera, contre Dieu qui nous perd, notre rédempteur ? — Un redoublement de servitude, répond le moine de La Haye. Spinoza en effet propose à l’homme, d’un côté, pour la direction de son esprit, la philosophie qui l’aveugle ; de l’autre, pour l’équilibre de sa volonté, le despotisme de l’État !… Ce n’est pas à cette conclusion du spinozisme, sans doute, que vous pensez nous conduire. Prouvez donc alors que la conscience est douée d’une force suffisante, et que sa justification par elle-même est possible. Bannissez le péché, après l’avoir expliqué toutefois.

« Cette difficulté n’est pas la seule.

« II. La Justice, dites-vous, est la faculté que nous avons de sentir notre dignité en autrui. À merveille. Mais, quelle que soit cette faculté, et en lui accordant toute l’énergie possible, elle n’aboutira pas, et la Justice, conçue dans la conscience, ne se réalisera point dans les actes, sans la certitude d’une réciprocité. Quelques vertus obstinées se résigneront peut-être à respecter le droit quand même, à payer ceux qui les volent, à glorifier ceux qui les calomnient, à tendre la main aux brigands qui les assassinent. La philosophie a eu ses martyrs, la Justice quand même peut bien avoir aussi les siens. Mais ces rares exemples n’auront pas le pouvoir d’entraîner les masses. Pour qu’elles respectent le droit et obéissent au devoir, il faut, à tout le moins, qu’elles aient une garantie quelconque de retour. Où trouvez-vous cette garantie, qui dans votre système doit jouer le même rôle que la religion dans celui de l’Église ? Quand la méfiance, devenue universelle, aura rendu l’iniquité générale et irrémédiable, avec quoi ramènerez-vous la confiance ? Rien