Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/433

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prévalant de la sublimité de ses prérogatives, il en vint à s’égaler à l’Éternel : Similis ero Altissimo. Éteignez ce courage, de peur que se regardant avec complaisance il ne se glorifie d’une vertu qui vient toute de Dieu, et ne se fasse lui-même Dieu. Car Dieu seul est juste, qui seul peut dire ce qu’est la Justice ; Dieu seul peut nous imposer la loi, qui seul juge les intentions, sonde les reins et les cœurs. Dieu seul, par conséquent, peut nous donner la force d’opérer le bien, alors même que notre cœur le renie et que notre bouche le blasphème. »

III

Je ne sais, Monseigneur, si j’ai rendu à votre gré la pensée de la théologie. Mais tel qu’il vient de se produire sous ma plume, j’avoue que l’argument a de quoi donner à réfléchir à de plus fortes intelligences que la mienne, et je ne m’étonne pas que tant de penseurs s’y soient brisés.

Car enfin le péché existe. Si le péché existe, de quelque façon qu’il se produise, la Justice paraît inefficace ; si la Justice est inefficace, c’est qu’elle ne trouve pas dans la conscience le principe qui l’assure ; si cette force d’équilibre enfin n’existe pas dans la conscience, il faut que celle-ci la reçoive d’ailleurs. Rien ne pouvant être équilibré par rien (ax. 4), ce qui nous ramène à la religion. Sinon, l’homme se démoralise, et la société est en péril.

Le juste, dit l’Écriture, tombe sept fois le jour. Qu’attendre dès lors de ceux qui ne sont pas justes ? Qu’attendre même de ceux qui ne sont justes qu’à moitié ? Des nations entières, de grandes et puissantes nations, d’abord vertueuses, ont péri par la défaillance de la Justice. Cela ne veut-il pas dire que chez elles, compensation faite de la vertu et du crime, la moyenne de Justice ne s’est pas trouvée suffisante pour les préserver de la dissolution