Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/464

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fasse aux intérêts, ne compte, en morale, absolument pour rien.

Cette distinction établie entre la raison des choses, si mal à propos présentée comme critère de la Justice, et la raison des personnes, toute difficulté s’évanouit, tout s’explique ; les aberrations de la pratique restent condamnables, la conscience, qui s’y est livrée de bonne foi, est justifiée.

Ainsi, sous la loi païenne et mosaïque, l’esclavage est dans les mœurs, admis par le consentement universel, à tel point que le Pentateuque nous le montre comme un bien pour l’esclave, qui l’accepte, s’y tient volontairement, s’en honore, et souvent le réclame. Quel sera l’esprit de la loi ? C’est que le maître doit en toute circonstance traiter son esclave comme il voudrait en être traité si les rôles étaient intervertis, et l’esclave servir son maître comme il voudrait l’être dans le même cas.

Cela justifie-t-il l’esclavage ? En aucune façon. La loi part de l’hypothèse d’une commune ignorance ; elle statue d’après la donnée de l’opinion universelle, qui pose l’esclavage comme nécessaire, et ne reconnaît pas dans la raison des personnes un motif de le nier. Que si plus tard, avec le temps et l’expérience, là même opinion universelle vient à changer sur le fait de la servitude ; s’il est reconnu qu’un tel régime est contraire à la raison et à l’humanité, destructif de la personne et nuisible à tous les intérêts ; en un mot, si l’idée sociale, en s’élevant, répudie la servitude, alors que le législateur fasse son devoir. L’institution doit changer, et tout en changeant elle ne fera qu’accomplir, avec une plus parfaite intelligence, l’antique précepte, Faites à autrui comme vous voulez qu’il vous soit fait, lequel est invariable.

Je n’aurais donc rien à reprocher à la religion sur le fait de l’esclavage, si elle s’était bornée, comme la poli-