Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/473

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Armée de son incorruptible critère, la conscience entre en action aussitôt qu’elle est placée dans les conditions qui le requièrent. Comme l’œil voit dès qu’il s’ouvre dans un milieu éclairé, comme le cœur aime dès qu’il est provoqué par un objet aimable, ainsi la conscience, dès qu’elle y est invitée par un rapport de personne à personne, fait entendre sa voix : Ceci est juste et cela injuste, ceci est bien et cela mal ; et nulle force de la volonté, nulle révolte des passions, ne sauraient la faire taire. De toutes les spontanéités dont l’ensemble forme notre âme elle est la plus puissante ; toutes les autres lui servent d’instrument ; elle n’est la servante d’aucune ; nous pouvons supporter la perte de celles-là, nous ne supportons pas la perte de celle-ci. Que pouvez-vous, encore une fois, souhaiter de plus positif, de plus catégorique, de plus clair ?

Mais l’imagination peut se tromper sur les qualités des choses : dans ce cas la Justice, sans changer de formule, procède à un autre partage. Rien, à mon avis, n’honore plus l’humanité, ne témoigne mieux de sa haute dignité, que cette révision ; rien, au contraire, n’accuserait plus énergiquement la Providence, s’il fallait admettre qu’en nous imposant la Justice elle nous eût laissés sans la moindre instruction. L’ironie de Pascal à l’adresse de la législation humaine, erreur en deçà des Pyrénées, vérité au delà, tombe directement sur la religion. En essayant, pour la réalisation de mon droit, de toutes les hypothèses, je prouve mon autonomie ; la révélation, qui me laisse aller et ne m’offre que ses sacrements et ses grâces, fait voir son impuissance. L’homme est tout désormais ; la Divinité, plus rien.

XVIII

La situation ainsi faite, nous n’avons plus à nous de-