Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/513

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sique faire une question d’observation pure, ce serait déjà simplifier beaucoup le problème, et assurer à la solution toute la certitude dont une pensée humaine soit capable.

Mais il est un autre avantage que nous procure cette méthode, avantage d’une portée décisive.

C’est un principe de logique, une loi de l’entendement, que toute conception métaphysique, spontanément formée par l’esprit à l’occasion des phénomènes, implique une apparence contradictoire, ce que l’on appelle une antinomie. Cela a été démontré, depuis les Grecs, pour le temps, l’espace, la substance, le mouvement. Je l’ai prouvé moi-même, dans un autre ordre d’idées, pour la propriété, la communauté, la concurrence, le gouvernement, le crédit, etc. La philosophie moderne, loin de faire de ce phénomène intellectuel un principe de doute, s’en est servi pour élever ses plus fameux systèmes. Et sauf l’exécution, qui ne me paraît pas jusqu’ici avoir été heureuse, la philosophie était parfaitement dans son droit. Doutons-nous, pouvons-nous douter de la légitimité de toutes ces catégories, parce qu’à l’analyse elles présentent constamment une apparence de contradiction ? La Justice elle-même, devenant, par le développement de sa notion, identique à la félicité, semble aller contre sa définition, qui implique qu’elle soit gratuite : doutons-nous pour cela de la Justice, et la philosophie de La Rochefoucauld a-t-elle un seul partisan sincère ?

Il en sera de même de la liberté. Qu’on la rejette, si elle ne fait rien, ne tend à rien, ne signifie rien, n’est rien, à la bonne heure ; mais la repousser sous prétexte de l’antinomie que sa notion soulève est aussi déraisonnable que de déclarer la propriété une utopie parce qu’elle implique dans sa notion le droit d’user et d’abuser, le gouvernement une utopie parce qu’il suppose consen-