Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/533

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supposait établie du ciel, et dans laquelle il était loin de reconnaître la première manifestation de sa liberté.

Au milieu de toutes ces machines, la liberté semblait un hors-d’œuvre, un embarras, disons le mot, un ennemi. On ne savait d’elle qu’une chose, c’est qu’elle était l’auteur du péché, digne, à ce titre, de toute l’animadversion du législateur et de la méfiance du philosophe. Aussi les raisonneurs de bonne foi, de quelque école qu’ils fussent, Hobbes et Spinoza, Malebranche et Hégel, Bossuet et Kant, la niant nominativement en la nommant pour la forme, la mirent sous leurs pieds : elle ne tient pas plus de place dans leurs théories morales que dans leur cerveau.

Actuellement il n’en va plus de même : l’histoire a marché, et la critique avec elle. L’esprit humain, après avoir tout admiré, tout essayé, s’est détaché de tout ; il a nié tout, et s’est posé lui-même comme absolu. Aucun préjugé ne l’arrête désormais : si, pour concevoir la liberté et en reconnaître la fonction, la condition préalable était qu’il s’affranchît de tout préjugé, s’élevât au-dessus de toute fataliste influence, s’avouât à lui-même enfin qu’il était cet Absolu si longtemps évoqué sous le nom de Dieu, ange ou démon, on peut dire qu’à cette heure la condition est remplie. L’esprit ne croit plus à rien de ce qu’adorèrent les premiers penseurs ; le scepticisme et l’analyse l’ont expurgé de ses propres idoles. Ses conceptions, de plus en plus dépouillées d’empirisme, de plus en plus générales et abstraites, l’ont familiarisé avec l’absolu ; comme le sacristain dont la vie se passe au milieu des vases sacrés, il ne sent plus la majesté de son Dieu. Dites-lui que Dieu est sa propre créature, la proposition n’aura rien qui l’étonne.

Quel est donc ce mouvement d’institution par lequel le libre arbitre, se mettant, si je puis ainsi dire, en équa-