Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/542

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sition plus manifeste, que vos deux mains ? Eh bien ! je vous mets au défi de donner une définition de l’une qui ne convienne pas, et de tous points, à l’autre ; je vous défie, dis-je, de trouver un mot, une idée, au moyen de quoi vous puissiez distinguer, en elles-mêmes, votre droite de votre gauche. Si vous doutez de ce que j’avance, faites-en seul l’essai. Ce n’est que par un signe extérieur, accidentel, que vous parviendrez à vous entendre, comme quand un homme, placé de ce côté-ci de l’équateur, et le visage tourné au méridien, appelle gauche la main située du côté où le soleil se lève, droite celle qui est du côté où il se couche. S’ensuit-il de cette indistinction fatale que vous n’avez qu’une main, avec le pouce au milieu ?

La liberté est à la nécessité ce que votre droite est à votre gauche : l’entendement seul ne peut vous en rien dire, et toujours vous serez amenés, si vous ne consultez que lui, à nier l’une ou l’autre, ce qui est absurde. Tout au plus serez-vous averti par la contradiction de vos idées qu’il y a là-dessous une réalité que vous ne connaissez point, mais que l’observation des faits de la nature et de l’âme humaine à la fin vous découvrira.

Obj. — Du moins faut-il convenir que l’arbitre de l’homme est soumis aux lois de sa propre constitution. Ces lois sont pour lui une nécessité dont il ne peut s’affranchir : donc il n’est pas libre.

Rép. — Ceci revient toujours à dire que la liberté est adossée à la nécessité, et que dans cette antinomie, la thèse ne peut jamais détruire radicalement l’antithèse : ce qui, je le répète, n’est pas une objection, mais une preuve. Non, l’esprit ne peut anéantir la matière, le moi enlever tout à fait le non-moi, le libre arbitre anéantir la nécessité, parce que ce serait s’anéantir soi-même, ce qui implique contradiction. Mais l’esprit, devenu libre