Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/88

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se sauver avec elle ou périr : ce qui implique également que le dogme chrétien est insuffisant, et la morale qui s’en déduit fausse.

Pourquoi l’homme est-il sujet à la mort ? C’est, dit le spiritualiste, qu’il est composé d’esprit et de terre, le premier destiné au ciel, d’où il est tiré ; la seconde, à la masse inerte d’où elle est sortie : Revertatur pulvis ad terram suam unde erat, et spiritus redeat ad Deum qui dedit illum. La terre cause première de notre mortalité ! quelle métaphysique !

Aussi le sacerdoce n’a-t-il rien négligé pour exalter le mépris du croyant envers cette vieille mère : il sentait qu’il y avait là, pour son fantôme, une rivale à craindre.

Que la terre te soit maudite, dit la Genèse ; qu’elle te pousse des ronces et des épines. Ceux qui ont visité les lieux où jadis régna le dogme biblique peuvent dire s’il ne semble pas que la malédiction ait passé par là.

La terre est une vallée de larmes, que notre plus ardent désir doit être de quitter.

L’Ecclésiaste compte les joies dont la nature comble l’homme ; il passe en revue les merveilles de la création, et à chacune il répète ce cri lamentable : Vanité ! Et de vanité en vanité il conclut par ce mot, qui donne le secret de sa tristesse : Souviens-toi de ton Créateur, Memento Creatoris tui ! Il n’est pas gai, le Dieu de la Bible !

Le christianisme enchérit sur cette désolation :

« Veux-tu être parfait, dit Jésus, d’après le premier Évangile, au jeune homme riche ? Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, prends ta croix, et suis-moi. »

Les mots Prends ta croix, mis dans la bouche de Jésus avant que la croix fût devenue le symbole de la secte, indiquent assez que ce n’est pas le Galiléen qui parle, mais l’Église, la fille de la Synagogue, race pure d’Aaron et d’Esdras.