Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/187

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éclos depuis la grande lutte, a compris le Droit, l’Égalité, le Travail ; qui a véritablement voulu la Révolution et aimé le prolétaire…. Hélas ! leur cœur est resté fidèle aux idoles d’autrefois ; ils n’ont pas eu l’intelligence de leur siècle, et nous assistons à la plus juste comme à la plus honteuse des décadences.

Sous l’influence de l’école de Rousseau, philosophes, orateurs, gens de lettres, à qui la tâche était échue de dégager de la cause de la religion la cause du droit, et d’élever l’éthique et l’esthétique sur un principe pur de tout mysticisme, ne trouvèrent rien de mieux que de livrer de nouveau la nation à la foi. L’écart avait été marqué par la fête de l’Être-Suprême ; le rapport du ministre des cultes Portalis sur le Concordat consomma l’apostasie. Maine de Biran, Royer-Collard, néoplatoniciens et néo-chrétiens, s’en firent les interprètes.

Dès lors tout fut dit. La Révolution avait annoncé le règne de la Justice, ce qui impliquait que la Justice, s’affirmant elle-même, loin de dépendre à l’avenir d’aucun idéal, devait servir elle-même de principe et de sanction à l’idéal. On nous fit voir, au contraire, que la Justice n’était autre que la volonté de Dieu édictée par le prince, créé lui-même de Dieu. En vain l’Empereur, élu du peuple, décrète au nom du peuple et de la Révolution ; en vain il légifère, codifie, organise : devenu fils de l’Église, il n’a plus qualité pour commander l’État. Son autorité est une autorité usurpée. Le droit qu’il proclame n’est pas du droit, c’est de l’anarchie, une machine infernale dont la bourgeoisie athée de 89 s’est traîtreusement servie pour détruire nobles, prêtres et monarque, mais dont il lui est défendu, à lui transfuge de la Révolution, de tirer une étincelle. Il faut qu’il parte, qu’il cède la place au roi légitime….

Or, le droit est l’âme de l’épopée, la substance de toute