Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/216

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l’opinion unanime des auteurs ; elle résulte de toutes les lois et de toutes les coutumes ; et il ne paraît point que les premiers instituteurs du mariage aient eu dans l’esprit une autre idée. Suivons ce fil.

L’amour. — Je n’ai pas la prétention d’en apprendre grand’chose à mes lecteurs : il n’est adolescent sortant du lycée qui ne se croie profès en la matière, bachelette qui ne se flatte d’en remontrer sur cet article à son grand’papa. Contentons-nous donc, pour l’intelligence de la discussion, de le représenter d’abord tel qu’il est et que nous l’avons éprouvé tous ; nous aviserons après ce qu’il peut devenir.

L’amour est un mouvement des sens et de l’âme, qui a son principe dans le rut, fatalité organique et répugnante, mais qui, transfiguré aussitôt par l’idéalisme de l’esprit, s’impose à l’imagination et au cœur comme le plus grand, le seul bien de la vie, un bien sans lequel la vie n’apparaît plus que comme une longue mort.

Sous l’un et l’autre aspect, soit que nous le considérions comme l’effet de la puissance génératrice, soit que nous le rapportions à l’idéal, l’amour est entièrement soustrait à la volonté de celui qui l’éprouve : il naît spontanément, indélibérément, fatalement. Il arrive à notre insu, malgré nous ; tout lui sert de moyen, ou, comme disaient les anciens poëtes, de flèche : jeunesse, beauté, talent, la voix, la démarche, et je ne sais quelles certaines affinités secrètes, qui d’ailleurs tiennent beaucoup moins de place dans la réalité que dans le roman. Je mets de côté la vertu, dont l’admiration a pour effet de produire entre l’homme et la femme un sentiment d’une autre espèce, par suite, de transfigurer l’amour une seconde fois.

L’amour ainsi donné par la nature et l’idéal, et jusqu’à ce que la Justice lui assigne une nouvelle destination,