Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/275

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Il faut voir sous quel bizarre aspect les fondateurs commencèrent par envisager la chose.

XXIX

À peine les apôtres, persécutés à Jérusalem, eurent-ils mis le pied sur la terre de la gentilité, qu’ils eurent à résoudre, pour la direction des néophytes, cette grave question de morale intime, qui tenait à toutes les habitudes de l’existence païenne :

S’il était permis à des chrétiens de fréquenter les lieux consacrés à l’amour ?

C’est dans les Actes des Apôtres, ch. xv, que se trouve le détail de la consultation.

La proposition, ainsi qu’on peut le voir, se borne aux filles ou prêtresses de Vénus ; elle ne regarde point les hétaires ou concubines, qu’il ne pouvait entrer dans la tête de Juifs, s’adressant à des Gentils, de proscrire ; et elle fait abstraction du mariage. Elle fut solennellement débattue, en même temps que la question de la circoncision, au concile de Jérusalem, tenu par les apôtres, autant que l’on peut conjecturer, vers l’an 56, quatorze ans après la conversion de Paul, vingt-huit après la mort du Christ, que je place, avec Lactance et Gibbon, à l’an 29.

En même temps qu’elle déclara la circoncision inutile, l’auguste assemblée prononça que la fréquentation des femmes consacrées à Aphrodite était interdite ; mais sur quels motifs ?

« Attendu que lesdits lieux d’amour sont placés sous l’invocation d’une divinité païenne, la plus abominable de toutes, d’après Moïse et les prophètes ; qu’il se fait dans lesdits lieux, en l’honneur de la déesse, des libations et des sacrifices, et que le commerce avec les femmes est inséparable de la manducation des mets offerts, idolothyta : toutes choses dont l’ensemble constitue, d’après les Écritures, la fornication… »