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Je remarque d’ailleurs que les plus grandes vertus apparaissent constamment aux époques de grande corruption : comme si, la rareté étant compensée par l’héroïsme, l’humanité ne faisait ici, comme partout, qu’osciller autour d’une moyenne immuable.

Au surplus, Monseigneur, en ce qui concerne la pratique, je vous laisse volontiers la parole. Vous qui tenez le verrou des consciences, que pensez-vous de notre état moral ? Toute réponse que vous ferez à ma question me sera utile. Si vous jugez que nous valions mieux que nos pères, malgré l’affaiblissement de notre foi, je réponds : Tant mieux ! le progrès humain existe donc ; et m’emparant de votre déclaration, je conclus contre vous. Si vous dites que nous avons dégénéré, je demande quelle est la cause de cette dégénérescence. Et puisque c’est l’Église qui depuis dix-huit siècles est chargée de nos mœurs, je conclus contre vous. Si, prenant un parti mitoyen, vous pensez que la figure de ce monde varie, mais que le fonds reste le même, je vous adresse cette autre question : À quoi le christianisme a-t-il servi ? Et, pour la troisième fois, je conclus contre vous. De toute manière, par le progrès, par la décadence, par le statu quo, vous voilà condamné, et votre scepticisme ne vous sert de rien. À moins que César ne vous sauve, il ne s’agit plus que de savoir si vous finirez par la croix, par la ciguë ou par le glaive.

IX

Qu’est-ce donc que le progrès, si nous ne devons le chercher ni dans notre corps, ni dans notre intelligence, ni dans notre industrie, ni dans notre richesse, ni dans notre vertu, ni dans notre idéal ?

Jamais question plus intéressante ne fut posée à la philosophie, et jamais la nécessité d’une solution ne fut plus