Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/310

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Dans le ciel, répondit-il, il n’y a plus ni époux ni épouses ; tous sont comme des anges devant la face de Dieu. Saint Paul, aux Galates, iii, 28, professe la même doctrine : En Christ il n’y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni mâle, ni femelle. Il pouvait dire encore : Il n’y a ni frère ni sœur, comme Chateaubriand l’a si bien fait voir dans son René. — Je vous ai fiancés au Christ, dit-il ailleurs, comme une vierge chaste… Toute la théorie du célibat religieux est fondée sur ce principe d’une noce spirituelle, où le sexe n’est plus de rien.

Niée dans le ciel, la sexualité, ainsi le veut la logique transcendantale, est condamnée sur la terre ; la femme, pour mieux dire, aux yeux du chrétien, du vrai spirituel, n’existe pas. Erreur ou accident de la nature, tourment de l’homme, image fausse de l’amour, elle ne vaut, comme personne, qu’autant que, se dépouillant de son sexe, elle revêt l’individualité chrétienne, suivant la formule : Ni hommes ni femmes ; tous anges devant l’Absolu.

De là cette conséquence qui anéantit le mariage, que, l’union de l’homme et de la femme n’ayant de valeur que pour la procréation des enfants, tout au plus comme préservatif de la fornication, les personnes conjointes demeurent, quant à la conscience, indépendantes l’une de l’autre, ne relevant que de leur foi, c’est-à-dire de l’Église.

Le concubinat, prenez-y garde, est, à défaut de la communauté des amours, la seule forme d’union que puisse accorder une autorité religieuse à ses membres des deux sexes, et moins qu’une autre l’Église du Christ pouvait déroger à cette loi. Il y a dans le mariage ce fait redoutable pour toute Église, qu’il se forme entre de justes époux une conscience commune, religion de famille, justice domestique, incompatible avec la souveraineté du dehors.