Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/325

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sion, de l’alliance, des intérêts, mais dans lequel la suprême bienséance pour les conjoints est de rester, quant à l’amour, et nonobstant la cohabitation et la génération, aussi étrangers l’un à l’autre que s’ils ne s’étaient vus jamais.

Sans doute, ici comme partout, la nature a fait fléchir la doctrine ; le cœur humain, plus puissant, plus haut que la théologie, a réparé de son mieux la brèche faite à la morale par une sotte idéalité. Mais puisque toute société se forme sur sa religion, j’ai le droit de juger la religion et son idéal d’après les mœurs que cet idéal engendre : or, je le demande maintenant à mes lecteurs, le christianisme, qui a balayé, mais dans ses catéchismes seulement, la fornication, et frappé sans succès le concubinage ; qui a popularisé et mis à la mode, sous le sobriquet de chevalerie, son amour mystique, chanté, célébré par tous ses orateurs et ses poëtes ; qui, enfin, par ce raffinement absurde, séparant l’amour de l’hyménée, a séparé autant qu’il était en lui l’époux de l’épouse, et rendu le divorce, qu’il condamnait, universel, le christianisme peut-il se vanter d’avoir purifié l’amour et relevé le mariage ?

XLV

Mais peut-être qu’au total cette confiscation dogmatique de l’amour parfait au profit des eunuques spirituels, peut-être que cette pratique non moins étrange qui fait du mariage deux parts, l’une, celle du cœur, pour le chevalier, l’autre, celle des sens, pour le mari ; peut-être que cette honte versée à pleine coupe sur toutes les variétés de l’amour sexuel, libre ou conjugué, auront rendu les mœurs meilleures, et, sinon extirpé, au moins diminué notablement les vices enfantés par l’idéalisme païen : la masturbation solitaire, l’odieux inceste, le stu-