Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/388

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elle voudrait ; il l’a attachée aux travaux les plus pénibles comme une servante ; il lui a refusé l’instruction et les plaisirs de l’esprit. On l’a prise en mariage sous la forme d’un achat ou d’une vente ; on l’a déclarée incapable de succéder à son père et à sa mère, incapable de tester, incapable d’exercer la tutelle sur ses propres enfants, et retournant elle-même en tutelle à la dissolution du mariage par la mort. La lecture des diverses législations païennes est une révélation perpétuelle de son ignominie, et plus d’une, poussant la défiance jusqu’à l’extrême barbarie, l’a contrainte de suivre le cadavre de son mari et de s’ensevelir dans son bûcher, afin, remarque le jurisconsulte, que la vie du mari soit en sûreté. » (Le P. Lacordaire, cité par Daniel Stern, Essai sur la Liberté.)


De semblables paroles, si l’Église avait la moindre intelligence du fait et du droit, eussent mérité à leur auteur une interdiction perpétuelle. Mais l’Église, sur la foi de Platon et de l’Évangile, admet, comme le P. Lacordaire, l’égalité des sexes ; à l’aide de ce principe elle entretient sa théocratie par le célibat ecclésiastique ; elle gouverne les familles par le confessionnal, et capte les successions des filles et des femmes par des testaments et des fidéi-commis, dont elle a soin de fournir les modèles. À ses yeux, la femme ne sera jamais assez émancipée, surtout s’il existe des collatéraux qui réclament.

Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que la femme ait de tout temps subi sa part des misères que l’ignorance, l’oppression, la superstition, versent sur l’humanité ; et quand le prêtre lui-même a méconnu le sens du mariage, que l’homme ait pris vis-à-vis de sa fantasque et lascive moitié les précautions que lui suggérait une expérience trop réelle ?

Ah ! de grâce, vous qui prenez en main la défense de la femme, ne parlez pas de cette réclusion ignominieuse qu’elle a si longtemps subie, de cette vente et de cet achat de sa personne, de toutes ces entraves mises à sa