Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/431

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ne naît point de l’homme même ; c’est que l’homme n’en peut disposer ; c’est qu’il ne l’accorde pas plus qu’il ne l’ôte par un acte de la volonté ; c’est que le cœur humain le reçoit d’en haut sans doute pour le reporter sur la créature choisie entre toutes dans les desseins du ciel ; et quand une âme énergique l’a reçu, c’est en vain que toutes les considérations humaines élèveraient la voix pour le détruire ; il subsiste seul et par sa propre puissance. » (Valentine, ch. xvii.)

Voilà le texte, vieux comme le monde, invariable comme un instinct, qui occupe le sexe et constitue sa philosophie ; l’idée immanente de la femme, que George Sand délaie en pages interminables, sans pouvoir jamais comprendre que cet amour, prétendu divin, n’est rien de plus que du fatalisme, quelque chose qui tombe sous le coup de la liberté et du droit ; qui par conséquent, recherché pour lui-même, rend l’homme indigne et la femme vile.

De là, à prendre l’amour, comme Dieu, pour principe de tout bien et de toute vertu, il n’y a qu’un pas :

« Depuis que j’aime Valentine, dit Bénédict, je suis un autre homme ; je me sens exister. (Suivez le roman et vous verrez ce malheureux se crétiniser de plus en plus.) Le voile sombre qui couvrait ma destinée se déchire de toutes parts (il voit des lanternes) ; je ne suis plus seul sur la terre (en effet, il est pris), je ne m’ennuie plus de ma nullité ; je me sens grandir d’heure en heure avec cet amour. (Un homme qui tombe la tête la première croit monter.) »

« Je sais que l’amour seul est quelque chose, je sais qu’il n’y a rien autre sur la terre. Je sais que ce serait une lâcheté de le fuir par crainte des douleurs qui l’expient, etc. » (Jacques.)

J’avoue que ce bavardage me cause un prodigieux ennui ; mais beaucoup de gens aiment cette excitation érotique, plus ou moins parée et fardée, sans laquelle, l’amour se présentant in naturalibus, le dégoût serait par trop grand. Peut être ne serait-ce que demi-mal, si l’auteur s’en tenait là : nous avons constaté nous-même que l’idéal avait été donné à l’homme pour l’engager à l’amour, et que l’amour et l’idéal sont les