Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/448

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totalité. Elle dépasse la mesure de l’individu (Étude II) ; elle reste boiteuse chez le solitaire et tend à s’atrophier ; c’est le pacte de la liberté (Étude VIII), ce qui suppose au moins deux termes ; sa notion seule, synonyme d’égalité ou de balance (Étude III), implique un dualisme.

L’organe juridique se composera donc de deux personnes : voilà un premier point.

Quelles seront, l’une par rapport à l’autre, ces deux personnes ?

Si nous les faisons semblables et égales, ou bien, en variant les aptitudes, équivalentes, ces deux personnes seront entre elles comme l’homme est à l’homme ou la femme à la femme, comme 3 est à 3, 2 à 2, comme A est à A. Ce seront deux essences respectivement complètes, par suite réciproquement indépendantes : il n’y aura pas d’organisme. Une association, plus ou moins précaire, pourra en sortir ; nous n’aurons pas la dualité cherchée. Point d’organe juridique, partant point de Justice. L’homme restera sauvage, ou ne formera que des sociétés imparfaites, des meutes comme les chiens, des communautés à la façon des abeilles et des fourmis.

L’expérience confirme cette prévision. Entre individus de valeur égale et de prétentions pareilles, il y a naturellement antagonisme, joute, loterie, agiotage, discorde, guerre ; peu de respect, peu d’affection, point de dévouement. Dans ces conditions la Justice ne peut vivre, se développer, devenir pour l’homme une religion et une gloire. Réunissez au contraire un homme fait et un adolescent, un enfant et un vieillard, il y aura entre eux, par le contraste de l’âge et de la pensée, un commencement de respect, partant un sentiment déjà prononcé de justice. C’est par là que s’expliquent les amitiés platoniques, si religieusement cultivées chez les anciens, et dont nous avons suivi la trace jusque dans les origines du