Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/516

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la conscience à la loi morale était vive, l’intelligence était faible : dans la condition psychologique du premier âge l’idée de loi impliquait celle de Législateur, la Justice par conséquent conduisait à Dieu. Et ce Dieu, l’Israélite n’y croyait pas sur la foi de raisonnements philosophiques, inaccessibles à son entendement ; il demandait à voir : jusqu’à la naissance du christianisme les classes inférieures parmi les païens pensèrent de même, n’admettant pas que les dieux fussent invisibles. Cet état des esprits chez les Hébreux est attesté, entre autres, par le psaume xviii, dont je reporte la date avant l’entrée des Hébreux dans la terre promise, à la formation de leur nationalité, au moment où, d’après la Bible elle-même (II Rois, xxi et ailleurs), le Soleil, ou, si l’on aime mieux, le génie du soleil, est le même que Jéhovah.

Ainsi l’exigeait donc la raison concrète du premier âge : dès lors que la Justice prenait dans sa bouche une forme légale, impérative, l’instituteur devait la rapporter à une autorité ; en même temps qu’il exprimait le commandement, il était tenu de nommer le commandant. Qu’y a-t-il là dont la transcendance puisse aujourd’hui se prévaloir ? Que nous importe à nous, hommes du 19e siècle, que des intelligences d’enfants, incapables de concevoir par voie d’abstraction le rapport des choses, et trompées par le matérialisme de leur langue, confondissent l’idée avec le mot, et, quand on leur présentait une vérité ou un précepte, demandassent aussitôt, non pas, Qu’est-ce qui le prouve ? mais Qui a parlé ? L’essentiel, ici, n’est pas de savoir comment la notion de la loi est entrée dans la tête de l’Hébreu, mais comment sa conscience en a été affectée : le reste est poésie pure et ne sert que pour la montre.

Suivons maintenant la pensée du psalmiste : La loi réclame un auteur ; cet auteur est dieu. Quel est ce dieu ? Le Soleil, dont le génie s’appelle Jéhovah : tel est le législateur des Hébreux. Et n’allez pas encore une fois vous méprendre sur la pensée du prophète : quand il atteste le Soleil ou Jéhovah, c’est qu’il entend parler d’un dieu visible, vivant et agissant, non d’un dieu caché derrière le rideau, parlant par une lu-