Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/554

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Justice, et que la volupté devient la véritable religion d’un pays, il faut, pour le service de ses jouissances, une spécialité d’agents, agents de corruption par conséquent, et de misère.

D’où vient que le travail sérieux offre généralement si peu d’attrait ? De ce que, par les combinaisons du capitalisme entrepreneur, il est de plus en plus particularisé, mécanisé, abrutissant, de ce que toute philosophie, tout art, en sont soigneusement ôtés, toute liberté écartée, toute garantie retranchée. En un mot, le travail est autant que jamais servile : d’où la distinction quelque peu insolente des professions libérales. Production, aujourd’hui, c’est servitude ; non-production, liberté. Étonnez-vous après cela que la production et la consommation ne soient pas en équilibre.

Encore un ou deux faits, et je conclus.

En 1838 a commencé pour la France ce qu’on peut appeler l’ère des chemins de fer, ère de déception et de servitude, s’il en fut jamais, ère de perturbation économique, de dissolution politique et sociale. En vingt ans il a été dépensé pour l’établissement de ces lignes quelque chose comme trois milliards : or, que représente cette dépense ? une suite de déplacements brusques, tous plus désastreux les uns que les autres. Déplacement de main-d’œuvre, d’abord : c’est depuis l’établissement des chemins de fer que le travail agricole a commencé à souffrir ; déplacement de capitaux, de matières premières et ouvrées, de substances alimentaires, qui n’a pas tardé à se faire sentir par un enchérissement progressif de tous les autres services et produits ; déplacement en outre de toute une classe d’industrieux, d’où est résultée la ruine de villes entières. Les derniers troubles de Châlon-sur-Saône se rattachent par plus d’un fil à cette cause.

Passons sur l’épidémie de spéculation qui s’est égale-