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a seul fait revivre l’humanité condamnée, et la soutiendra dans ses épreuves jusqu’au dernier jour.

XVIII

Qu’il y ait progrès ou non, on m’accordera d’abord une chose : c’est que, malgré l’extinction de tant de nobles races qui ont péri dans la lutte, la civilisation s’est toujours relevée, et, comme elle ne subsiste que par la Justice, que celle-ci du moins ne périt jamais. Suivant l’Église, il y aurait même progrès dans la Justice depuis la propagation de l’Évangile. Ce progrès est-il réel, et faut-il l’attribuer au sacrifice de Jésus-Christ ? C’est une question que pour le moment je laisse de côté. Je me borne à constater ce fait grave, que la Justice seule, dans l’humanité, ne passe pas. Si faible qu’elle ait été depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, comme son action a été constante, tandis que les causes de dissolution n’ont agi que par intervalles et en conflit les unes avec les autres, on peut dire qu’elle du moins est toujours demeurée ; elle a survécu à toutes les dissolutions, à toutes les catastrophes, éclatant par moments avec un bruit terrible, comme dans la Révolution française.

C’est le privilége de la Justice, en effet, que la foi qu’elle inspire soit inébranlable, et qu’elle ne puisse être niée ou récusée dogmatiquement. Tous les peuples l’invoquent : même quand elle la viole, la raison d’État prétend s’appuyer sur elle ; la religion n’existe que pour elle ; le scepticisme se dissimule devant elle ; l’ironie n’a de puissance qu’en son nom ; le crime et l’hypocrisie lui rendent hommage. Si la Liberté n’est pas un vain mot, elle n’agit, ne fonctionne, que pour le service du droit ; et malgré ses révoltes, la Liberté, au fond, ne le maudit pas. Quand la Justice devrait être classée, pour l’énergie, au-dessous de tous les mobiles qui agitent l’homme et la so-