Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/213

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que ce soit, en reconnaissance de ses articles, ni gratification ni décoration, et conserver son office. De deux choses l’une : ou bien il renoncera à un témoignage que, par son zèle, son talent, sa haute probité, il peut avoir mérité ou, s’il croit devoir l’accepter, il donnera sa démission. Un journaliste ne peut être décoré, même par ses concitoyens, qu’après sa mort. L’idée d’une rémunération quelconque, pécuniaire ou honorifique, en sus de l’indemnité due à l’écrivain à raison de son travail, est incompatible avec son mandat. En elle-même, cette rétribution porte atteinte à son désintéressement et à son indépendance ; à plus forte raison si elle a été offerte par une partie intéressée et dans une cause douteuse.


Certes, la mission de journaliste est pénible : c’est ce qui en fait l’honorabilité. L’homme qui se consacre à la manifestation de la vérité doit être prêt à tout risquer pour elle : fortune, affections, réputation, sécurité. Il faut qu’il rompe toutes les attaches de son cœur et de son esprit, qu’il foule aux pieds, popularité, faveur du pouvoir, respect humain. Où est-il le héraut véridique, l’orateur incorruptible, l’écrivain sans peur et sans reproche ? Quand je considère les tribulations qui l’attendent, les séductions et les piéges qui l’enveloppent, le martyre suspendu sur sa tête, je ne sais plus si je puis me fier aux noms même les plus saints : Socrate, Confucius, Jésus-Christ.


Telle n’est pas la règle de conscience de nos journalistes, et il faut convenir que dans les conditions où ils sont placés, sous l’influence de préjugés qu’ils partagent, d’in-