Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/313

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« En 1848, la Confédération helvétique, après avoir posé dans sa nouvelle constitution le principe de l’Égalité devant la loi et aboli tous les anciens priviléges de bourgeoisie et de famille, n’hésita point, en vertu de ce nouveau principe, à conférer aux heimathlosen (gens sans patrie) la qualité et les droits de citoyens. — La confédération américaine peut-elle, sans manquer à son principe et sans rétrograder, refuser aux hommes de couleur, déjà affranchis, qui pullulent sur son territoire, les mêmes avantages que la Suisse a accordés à ses heimathlosen ? Au lieu de repousser ces hommes et de les accabler d’avanies, ne faut-il pas que tous les Anglo-Saxons, ceux du Nord et ceux du Sud, les reçoivent dans leur communion et saluent en eux des concitoyens, des égaux et des frères ? Or la conséquence de cette mesure sera d’admettre à l’isonomie, avec les affranchis, les Noirs retenus jusqu’à présent dans la servitude.


« En 1860, le czar Alexandre II de Russie, après avoir rendu la liberté aux paysans de ses États, au nombre de plus de vingt-cinq millions d’âmes, et les avoir appelés à la jouissance des droits civils et politiques tels que le comporte le gouvernement de son empire, leur a donné à tous, en propriété, la terre dont auparavant ils n’étaient que les serfs, se réservant à lui-même d’indemniser comme il pourrait les nobles dépossédés. — La confédération américaine fera-t-elle moins, pour ses Noirs émancipés, que n’a fait le czar Alexandre, un autocrate, pour ses paysans ? N’est-il pas prudent et juste qu’elle leur confère aussi la terre et la propriété, afin qu’ils ne tombent pas dans une servitude pire que celle d’où ils sortent ?