Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/58

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moyen âge n’a-t-il pas vu les Gibelins se faire Guelfes, et les Guelfes se changer en Gibelins ? En 1813, la France combat pour le despotisme, la coalition pour la liberté, justement le contraire de ce qui s’était passé en 1792. Aujourd’hui les légitimistes et les cléricaux soutiennent la fédération, les démocrates sont unitaires. On ne finirait pas à citer de tels exemples ; ce qui n’empêche pas que les idées, les hommes et les choses ne doivent être toujours distingués par leurs tendances naturelles et leurs origines, que les bleus ne soient les bleus, et les blancs toujours les blancs.


Le peuple, par le fait même de son infériorité et de sa détresse, formera toujours l’armée de la liberté et du progrès : le travail est républicain par nature : le contraire impliquerait contradiction. Mais, en raison de son ignorance, de la primitivité de ses instincts, de la violence de ses besoins, de l’impatience de ses désirs, le peuple incline aux formes sommaires de l’autorité. Ce qu’il cherche, ce ne sont point des garanties légales, dont il n’a aucune idée et ne conçoit pas la puissance ; ce n’est point une combinaison de rouages, une pondération de forces, dont pour lui-même il n’a que faire : c’est un chef à la parole duquel il se fie, dont les intentions lui soient connues, et qui se dévoue à ses intérêts. À ce chef il donne une autorité sans limites, un pouvoir irrésistible. Le peuple, regardant comme juste tout ce qu’il juge lui être utile, attendu qu’il est le peuple, se moque des formalités, ne fait aucun cas des conditions imposées aux dépositaires du pouvoir. Prompt au soupçon et à la calomnie, mais incapable d’une discussion métho-