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ÉVOLUTION HISTORIQUE

ment du style classique, appris au collège, et des idées de clémence qui commençaient à prévaloir avec le tutoiement et les sans-culotteries de 93.Quoi de plus réjouissant que de voir ce vieux patriote, qui présida aux exécutions de 92, dénonça la Gironde et fit instituer le tribunal révolutionnaire, reprocher au Père Duchêne de perdre la république par l’exagération du cynisme et de la terreur ? La Marseillaise n’est qu’une amplification de rhétorique, pareille à une harangue de Vergniaud ou de Robespierre. L’intention en était bonne ; l’enthousiasme et la colère y bouillonnent ; elle fit bien son service : mais c’est tout ce que la critique peut dire à son avantage. Le style est factice, emphatique et vide, un lieu commun du commencement à la fin. L’auteur n’a trouvé ni pensées ni expressions originales, et l’on peut douter aujourd’hui, en relisant cette pièce, si le peuple qui l’adopta pour hymne national, et qui la chantait en marchant à l’ennemi, avait réellement conscience de lui-même, s’il était mûr pour la liberté. A cet égard, je n’hésite point à dire que le Chant des Travailleurs de 1848 me paraît d’une inspiration plus vraie, plus réelle, d’un idéalisme par conséquent plus profond que la Marseillaise.

Au tumulte révolutionnaire a succédé le fracas des armes ; la liberté perdue, la littérature et l’art ne soufflent plus. Mais à la Restauration, les esprits se réveillent, et le débat commence aussitôt entre les classiques