Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
114
ÉVOLUTION HISTORIQUE

exemple d’adulation, et qui fait de l’usurpateur de brumaire, du vainqueur plus heureux qu’habile de Marengo, une espèce d’archange, monté sur un coursier divin, et franchissant d’un bond les Alpes, pour le salut et la liberté de la patrie ! Dans le tableau de David, Bonaparte est représenté, selon l’expression du peintre calme sur un cheval fougueux ; le vent soulève son manteau, comme si la Fortune le portait elle-même ; il est seul ; seul il remplit le tableau, comme si dans la destinée de ce personnage providentiel se fût résumée celle de la nation. Devant l’immensité de cet homme, l’Alpe semble s’abaisser et se réduire à la dimension d’une taupinée. On le voit, David a fait tout ce qu’il a pu pour idéaliser son héros ; il n’y manque même pas un certain romantisme. La vérité, d’après M. Thiers, est que le général Bonaparte passa les Alpes à l’arrière-garde de son armée, monté sur un mulet de montagne, dont le pied était beaucoup plus sur que celui d’un étalon des écuries consulaires. enveloppé de la vulgaire redingote grise, et dévoré de soucis à la nouvelle qu’il venait de recevoir que l’armée était arrêtée à la descente des Alpes, dans une gorge étroite, par une forteresse imprenable qui lui barrait le chemin. Le fait était demeuré assez peu connu jusqu’à la publication de l’histoire de M. Thiers. Mais il faut avouer que de la part d’un général en chef, qui depuis six mois faisait ses préparatifs, qui avait