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ÉVOLUTION HISTORIQUE

à leur intention particulière et pour leur propre gloire, on ne les en empêche pas ; seulement, ils ne devront pas être surpris de se voir abandonnés et de s’écouter dans le désert. Quelques amateurs de leur bord leur feront peut-être l’aumône d’un compliment ; la multitude passera à côté d’eux sans les voir, et ils s’éteindront dans l’oubli. C’est ce qui est arrivé à E. Delacroix, que ses impressions personnelles ont abreuvé d’amertume, et qui, en suivant son inspiration particulière, a manqué la plus belle carrière qui se soit jamais offerte à un artiste..

« Delacroix, dit un de ses biographes, a fait la conquête des salons et. entraîné les ministres plutôt par son esprit que par ses ouvrages. En lui, l’homme du monde a sauvé l’artiste. Loué à faux par ses meilleurs amis, insulté par ses ennemis, » il se sentait incompris, méconnu, hors de son époque, et ne trouvait de refuge contre les jugements, plus ou moins fondés, de ses contemporains, que dans la conscience mal assurée qu’il avait de son talent et dans la mélancolie de ses illusions. « A une exposition de tableaux de madame la duchesse d’Orléans, des personnes qui ne le connaissaient pas riaient en sa présence de ses meilleurs ouvrages : Voilà plus de trente ans, dit-il, le visage pâle et la voix tremblante, que je suis livré aux bêtes. — M. Vitet, de l’Académie française, comparait Delacroix à M. d'Arlincourt : Lamartine, poète aveugle,