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PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

les poëtes et les artistes ; Rousseau les accusait de la corruption des mœurs et de la décadence des États. Faut-il croire, d’après ces illustres philosophes, grands écrivains eux-mêmes, grands artistes, que l’art, étant rêverie, caprice et paresse, ne peut engendrer rien de bon ? J’avoue qu’il me répugne d’admettre une pareille conséquence, et, bon gré mal gré, puisque l’art est évidemment une faculté de l’esprit humain, je me demande quelle est la fonction ou le fonctionnement de cette faculté, partant, quelle en est la destination, domestique et sociale.

Que M. Courbet mette dans ses tableaux des prêtres en goguette, ou que M. Flandrin les représente à la messe ; qu’on nous fasse voir des paysans, des soldats, des chevaux, des arbres en peinture, quand il ne tient qu’à nous de les observer en nature ; qu’on nous montre, ce qui est bien plus fort, en toutes sortes de poses. les effigies supposées tantôt de personnages antiques dont on ne sait presque rien, tantôt de héros de roman, de fées, d’anges, de dieux, produit de la fantaisie et de la superstition, en quoi tout cela peut-il sérieusement, nous intéresser ? Qu’importe à notre économie, à notre gouvernement, à nos mœurs ? Qu’est-ce que cela ajoute à notre bien-être, à notre perfectionnement ? Convient-il à de graves esprits de s’occuper de ces coûteuses bagatelles ? Avons-nous du temps et de l’argent de reste ?… Voilà, certes, ce que nous autres gens de pra-