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QUESTION GÉNÉRALE SOULEVÉE

romantique, dont le chef, M. Eugène Delacroix, vient de mourir ; que celle-ci a succombé elle-même, et qu’elle est en partie remplacée par l’école réaliste, laquelle n’a pas mieux su se définir que ses devancières, et dont le principal représentant est M. Courbet. En sorte que, sur la gloire de M. Ingres, vénérable chef du classicisme, se sont superposées deux écoles plus jeunes, deux nouvelles générations d’artistes, comme sur les animaux contemporains du dernier déluge se sont superposées deux et même trois couches de terrain. Or remarquez que dans le train ordinaire des affaires humaines, ce ne sont pas les antiquités que l’on recherche, ce sont les nouveautés. Ainsi le veut la grande loi de la civilisation, le progrès. Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi M. Ingres, un antédiluvien, plutôt que M. Delacroix, plutôt que Courbet ? Notez qu’à ne considérer que le talent d’exécution ou la différence des goûts, dont il est de précepte de ne disputer pas, les trois se valent, ou peu s’en faut. Comment donc, encore une fois, le gouvernement préfère-t-il, en fait d’art, la décrépitude à la jeunesse, les antiquailles aux inventions nouvelles ? L’art est-il un élément de civilisation ou de décadence ? Se mesure-t-il, comme la valeur de certains tableaux, par l’accumulation des années ? Est-ce affaire d’archéologie ? ou bien en serait-il de lui comme de la politique, qui, de tout temps, eut horreur des idées nouvelles, et dont la