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ÉVOLUTION HISTORIQUE

grand effort d’imagination au peintre pour combiner tout cela. Et puis, à quoi bon toutes ces trivialités ? Allons à la foire, à l’écurie, nous en verrons tout autant. Pourtant ces gens causent, les propos se croisent ; nous pouvons, à leurs physionomies, deviner sinon ce qu’ils disent, au moins ce qu’ils pensent. Peut-être ceci nous intéressera davantage.

L’homme au cochon se définit de lui-même pur son accoutrement. C’est un petit propriétaire villageois qui, dès le printemps, songe à ses provisions d’hiver. Il a fait partie de la réquisition de dix-huit à vingt-cinq, en 1793, et il a vu le Rhin : c’est de là qu’il aura rapporté l’habitude de fumer. Il est allé à la foire (à Besançon) d’abord pour faire empiète d’un nourrisson, puis pour toucher le quartier échu d’une petite pension qu’il a gagnée à la guerre contre les émigrés. Revenu de ses campagnes, il a repris la vie rustique, et vous ne devineriez guère en lui un héros de la république. Son air n’a rien du tout de martial : rendu à son foyer, le soldat français se retrouve Gros-Jean comme devant. Cependant, ne vous y trompez pas, tel que vous le voyez, occupé de son cochon, serrant sa pipe entre ses dents, le bonhomme a des opinions arrêtées : c’est un défaut qu’il s’est inoculé en 89 ; il est têtu : si le tremblement de la Révolution est peu de son goût, il garde encore plus rancune à l’ancien régime, et viennent les journées de juillet 1830, il sera des premiers à se