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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

seule fin de l’art soit le plaisir, car le plaisir n’est pas une fin ; il n’est pas vrai qu’il n’ait d’autre fin que lui-même, car tout se tient, tout s’enchaîne, tout est solidaire, tout a une fin dans l’humanité et dans la nature : l’idée d’une faculté sans but, d’un principe sans conséquence, d’une cause sans effet, est aussi absurde que celle d’un effet : sans cause. L’art a pour objet de nous conduire à la connaissance de nous-mêmes, par la révélation de toutes nos pensées, même les plus secrètes, de toutes nos tendances, de nos vertus, de nos vices, de nos ridicules, et par là de contribuer au développement de notre dignité, au perfectionnement de notre être. Il ne nous a pas été donné pour nous repaître de chimères, nous enivrer d’illusions, nous tromper et nous induire à mal avec des mirages, comme l’entendent les classiques, les romantiques et tous les sectateurs d’un vain idéal ; mais pour nous délivrer de ces illusions pernicieuses, en les dénonçant.

Il ne suit pas de là, dirai-je à mon tour, que l’œuvre d’art doive affecter des airs de rudesse, de gronderie et de déplaisance, se poser en divinité rageuse. La beauté et la grâce sont essentiellement de son domaine ; elles y priment le grossier et le laid. C’est pour cela que nous avons vu l’art, dans la jeunesse des sociétés, tendre de toutes ses forces à représenter les choses, selon l’expression de Raphaël, non pas précisément telles qu’il les voyait, mais comme il aurait voulu