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BUT ET DÉFINITION DE L’ART

mathématiques, la logique en sont des exemples. Là, de même que dans l’industrie et la mécanique, il n’est pas permis de s’écarter volontairement du type, d’y ajouter ou d’en ôter, de dire plus ou moins que ce qui est.

L’expression artistique, au contraire, qui a pour but d’exciter en nous une certaine sensibilité, est augmentative ou diminutive, laudative ou dépréciative ; ce n’est jamais, ce ne peut pas être une expression adéquate, un calque, ce qui serait la mort même de l’art. En sorte que l’asservissement à l’idée pure, qui caractérise la philosophie, les sciences, l’industrie, est justement ce qui détruit l’impression esthétique, le sentiment de l’idéal ; tandis que la licence artistique est au contraire ce qui le fait naître. Ce qu’on nomme figures, en poésie et éloquence, en est un exemple : ces figures, destinées à relever la pensée, à lui donner plus de force, de relief, d’intérêt, sont ce que j’appellerai des idéalismes.

Qu’il soit donc entendu que l’art n’a pas seulement pour objet de nous faire admirer les choses belles de forme, d’abord en les reproduisant, puis, en vertu de l’idéal, en ajoutant encore à leur beauté, ou, ce qui revient au même, en leur opposant le contraste de la laideur : tout cela n’est que le début de l’artiste dans la carrière. Notre vie morale se compose de bien autre chose que de cette superficielle et stérile contempla-