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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

— À quoi sert l’art ? demandez-vous. À rien : il n’a pas besoin de servir à quelque chose ; c’est fantaisie : or, la fantaisie exclut l’idée de service, comme de principe, de logique et de règles.-Où va l’art ? où bon lui semble : partout et nulle part. Où va le papillon, où va la brise, où va la nue ballottée, comme un flocon de laine, par les vents ? — Le but, l’objet de l’art ? Tout ce qu’il vous plaira, quodlibet. Pleurez, riez, amusez-vous, trémoussez-vous, et puis dormez, s’il vous en prend envie : voilà le tout de l’art. Hors de là, c’est mécanique, fabrique, métier, pis que cela, pédantisme et grimace…

Je regrette fort de ne pouvoir raisonner avec la légèreté de ces amis de l’art : peut-être réussirais-je mieux à m’en faire comprendre. — La logique a la main lourde, et la justice n’est pas toujours gaie. Essayons pourtant.

Je suppose et je mets en principe que l’art ne demande pas à être plus libre que ne l’est la liberté elle-même. Or, nous voyons, c’est l’expérience de tous les jours,le signe le moins équivoque du progrès, que la .liberté, dont avec raison nous sommes fiers, ne consiste pas à nous affranchir des lois de la vérité et de la justice ; tout au contraire, elle grandit à mesure que nous nous approchons davantage du juste et du vrai ; elle déchoit, en revanche, à mesure que nous nous en éloignons ; en sorte que la plénitude de la liberté coïn-