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ÉVOLUTION HISTORIQUE

antérieures, en un style plus original, à l’aide de figures ou formes plus frappantes ; ce qui suppose dans l’artiste une plus grande faculté de création, une plus grande liberté. Jeune écrivain, jeune peintre, jeune statuaire, vous sentez-vous cette puissance ? vous avez la liberté artistique ; hors de là, souvenez-vous-en, vous n’êtes qu’un libertin et un impuissant.

Les faits, au surplus, achèveront peut-être de convaincre ceux sur lesquels le raisonnement n’a pas de prise. L’histoire de l’art est parallèle à celle de la religion : il naît avec elle, il partage sa destinée ; avec elle il s’élève, s’abaisse, renaît et se transforme ; dès qu’elle se généralise, qu’elle se formule en dogmes, qu’elle se constitue en sacerdoce, qu’elle s’élève des monuments, l’art est appelé pour lui servir de ministre. Or, qu’est-ce que la religion ? La symbolique de la morale, la forme première du droit, la manifestation idéaliste de la conscience. L’homme, en pensant Dieu, se rêve lui-même : les figures sous lesquelles il se représente la Divinité ne sont, au-fond, que des témoignages qu’il se rend de lui-même ; et plus il a de piété, en d’autres termes de sens moral, plus il fait à l’objet de son culte l’hommage de ses meilleurs sentiments, plus il l’entoure de poésie et d’art. Trop souvent même, l’esthésie, dont le propre est -de s’étendre sur tout ce qui touche à la vie humaine, de l’envelopper comme d’un manteau de gloire, s’absorbe, pour ainsi dire.