Page:Proudhon - La Pornocratie, ou les Femmes dans les temps modernes.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joies de la maternité : l’heure venue, elle va se trouver malheureuse. En définitive, se dit-elle, ce n’est pas pour moi que je suis née, c’est pour un autre ; je ne suis pas un centre, mais un rayon ; ma vie n’est pas une vie, c’est un appendice. J’ai été aimée, je me suis crue heureuse ; illusion ! c’est pour lui qu’il m’a prise, non pour moi ! Je suis un bijou, un meuble, j’ai été admirée, entourée, distinguée, louée ; j’ai eu des succès : mais tout lui revenait, comme à un propriétaire. Ne porté-je pas son nom ? Une femme n’a point de nom, si ce n’est son nom de petite fille. Elle n’est pas un être que l’on nomme : elle est la femme à Pierre, ou à Paul, rien de plus. Moi, innocente, aveugle, je me suis donnée à lui, il m’a voulue, il m’a prise. A quoi a servi le plus beau, le plus clair de mes années ? A le rendre heureux, à le faire envier partout, à lui faire des enfants. La femme est une machine de reproduction. Il commande, et j’obéis ; il marche, et il faut que je suive. Et maintenant tout est fini ; mes beaux jours sont passés : que suis-je ? enchaînée, usée, éclipsée, solitaire, tout à l’heure grand-mère, objet d’ironie et de pitié. Tandis que lui ! ne semble-t-il pas croître en autorité, en puissance, en considération ; n’est-il