Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/100

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que le but du 2 décembre, et le rôle providentiel de Louis-Napoléon, c’est, tout au rebours, d’arrêter dans une mer immobile le torrent révolutionnaire, échappé lui-même d’un océan supérieur à travers les fissures d’un terrain bouleversé.

Sans doute, nous dira-t-on, tout gouvernement repose sur une idée dont il est l’agent, et qui en même temps constitue sa force, ils sont donnés 1'un par l’autre ; ils se produisent l’un l’autre : leur action est réciproque et leur existence commune. Ainsi l’idée religieuse est tout à la fois principe et produit d’une autorité : c’est elle qui fit la puissance des Numa, des Constantin, des Charlemagne, des Califes et des Papes. Ainsi encore la centralisation politique, ce qu’on a appelé mystiquement droit divin, à cause de sa spontanéité, est produit et principe d’autorité : c’est elle qui détermina la formation des anciennes monarchies, qui dans la Grèce démocratique assura la prépondérance des rois de Macédoine, qui en France illustra la troisième race de rois ; qui, après le 21 janvier, se servit des régicides eux-mêmes pour recomposer la monarchie.

Mais d’où savez-vous que l’idée gouvernementale ou sociale, comme vous voudrez, doive se modifier indéfiniment, jusqu’à ce qu’elle laisse 1'Humanité, élevée au plus haut degré de civilisation, sans formes politiques ? d’où savez-vous que tout pouvoir qui se substitue à un autre est pour cela même un pouvoir de révolution, condamné à servir une révolution nouvelle, laquelle aurait pour terme inévitable de l’emporter ? Oui vous dit, enfin, qu’un gouvernement ne puisse pas, d’une vue plus haute, se dérober à ce qu’il vous plaît d’appeler sa raison histo-