Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/93

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Il serait possible, et je dois encore l’en avertir, que tout en suivant son étoile, Louis-Napoléon succombât avant d’avoir achevé son œuvre. C’est la destinée ordinaire des initiateurs de sceller de leur sang leur initiation. Eux aussi, ils sont des victimes expiatoires : la vengeance des vieux intérêts et des vieilles idées les poursuit à mort. Le peuple qu’ils servent ne se lève pas pour les sauver : plus il conquiert de bien-être, moins il garde de reconnaissance. Dans ce rude métier de l’apostolat révolutionnaire, il faut travailler gratis, souvent même donner son sang avec sa fortune. Mais lequel vaut le mieux, pour un chef d’état, de périr par le fer de Ravaillac, ou par celui de Guillotin ? de mourir de la mort des martyrs, ou de celle des réacteurs ? Sacré pour la gloire ou sacré pour la honte, Bonaparte, voilà ce que je lis dans ton étoile : Sacer esto !

Pour tirer l’horoscope d’un homme, deux conditions sont nécessaires : connaître sa signification historique et fonctionnelle, s’assurer de ses inclinations. La destinée de cet homme sera la résultante de ces deux éléments.

Un homme, dans toutes les circonstances de sa vie, n’est jamais que l’expression d’une idée. C’est par elle qu’il se fortifie ou se perd, suivant qu’il en procure la manifestation, ou qu’il marche à contresens de son influence. L’homme du pouvoir surtout, en raison des intérêts généraux qu’il représente, ne peut avoir de volonté, d’individualité, que son idée même. Il cesse de s’appartenir, il perd son libre arbitre, pour devenir serf du destin. S’il prétendait, dans des vues personnelles, s’écarter de