Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/142

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massacre de cent mille de leurs frères. Il n’y a dans tout ceci qu’une pensée collective qui se développe avec d’autant plus d’acharnement que chacun de ceux qui l’expriment à moins conscience de son funeste rôle, et qu’usant de son droit d’initiative, il ne peut subir la responsabilité de ses paroles. Les individus sont susceptibles de clémence ; les partis sont impitoyables. L’esprit de conciliation avait été grand du côté des ateliers nationaux : c’est qu’ils étaient organisés, qu’il y avait des hommes parlant en leur nom et répondant pour eux, Trélat et Lalanne. Le parti réactionnaire, livré à ses fanatiques instincts, ne voulait rien entendre, parce qu’il n’était pas représenté et qu’il agissait sans répondant. Voulez-vous, dans une lutte politique, assassiner votre adversaire, sans encourir l’odieux du crime ? Point de délibération, et le scrutin secret.

Après Cavaignac, Garnier-Pagès, l’âme égarée, la voix pleine de sanglots, vient porter à son comble l’exaltation réactionnaire. — Il faut en finir ! s’écrie-t-il (Oui ! oui !) ; il faut en finir avec les agitateurs ! (Oui ! oui ! bravo ! bravo !)

Le citoyen Bonjean propose qu’une commission soit nommée pour marcher avec la garde nationale et les troupes, et mourir s’il le faut, à leur tête, pour la défense de l’ordre ! La motion est accueillie avec transport.

Mauguin demande que l’Assemblée se constitue en permanence. Adopté. Les rapports se croisent, les nouvelles du champ de bataille deviennent de plus en plus graves. Considérant propose d’adresser une proclamation aux ouvriers, afin de les rassurer sur leur sort, et de mettre un terme à cette guerre fratricide. Mais les partis sont impitoyables. On ne veut point de réconciliation ; on ne permet pas même à l’auteur de la proposition d’en donner lecture. Elle est écartée par la question préalable. « Notre devoir est de rester impassibles à notre place, répond le stoïque