Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/154

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travail assez inquiétant par lui-même pour mériter l’attention du public, et éveiller la sollicitude des savants. J’adressai mon mémoire à l’Académie des sciences morales et politiques : l’accueil bienveillant qu’il reçut, les éloges que le rapporteur, M. Blanqui, crut devoir donner à l’écrivain, me donnèrent lieu de penser que l’Académie, sans prendre la responsabilité de ma théorie, était satisfaite de mon travail, et je continuai mes recherches.

Les observations de M. Blanqui n’avaient point porté sur la contradiction signalée par moi dans le principe de propriété : contradiction qui consiste surtout en ce que, d’un côté, l’appropriation des choses, par le travail ou de toute autre manière, conduit naturellement, nécessairement, dans l’état d’imperfection économique où la société a vécu jusqu’à ce jour, à l’institution du fermage, de la rente et de l’intérêt, ainsi que l’a parfaitement démontré M. Thiers, dans son livre sur la Propriété ; tandis que d’autre part, le fermage, la rente, l’intérêt, en un mot le prix du prêt, est incompatible avec les lois de la circulation, et tend incessamment à s’annihiler. Sans entrer dans le fond de la controverse, le savant économiste s’était contenté d’opposer à mes raisonnements une fin de non-recevoir qui eût été décisive, si elle avait été fondée. — « En ce qui concerne la propriété, disait M. Blanqui, la pratique donne un éclatant démenti à la théorie. Il est prouvé, en fait, que si la propriété est illégitime aux yeux de la raison philosophique, elle est en progrès constant dans la raison sociale. Il faut donc, ou que la logique soit insuffisante et illusoire, ce qui, de l’aveu des philosophes, s’est vu plus d’une fois ; ou que la raison sociale se trompe, ce qui est inadmissible. » Si ce ne sont pas là les propres paroles de M. Blanqui, c’en est du moins le sens.

J’établis, dans un second mémoire, que les faits avaient été mal appréciés par M. Blanqui ; que la vérité était préci-