Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/18

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tinguait suivant ses formes : patriarchies, démocraties, oligarchies, aristocraties, monarchies absolues, monarchies constitutionnelles, théocraties, républiques fédératives, etc. Il déclarait, en un mot, le problème insoluble. Aristote, en matière de gouvernement, comme en matière de religion, était sceptique. Il n’avait de foi ni en Dieu ni à l’État.

Et nous qui, en soixante années, avons usé sept ou huit espèces de gouvernements ; qui, à peine entrés en République, sommes déjà las de notre Constitution ; nous, pour qui l’exercice du pouvoir n’a été, depuis la conquête des Gaules par Jules-César jusqu’au ministère des frères Barrot, que la pratique de l’oppression et de l’arbitraire ; nous enfin qui assistons en ce moment aux saturnales des gouvernements de l’Europe, avons-nous donc plus de foi qu’Aristote ? N’est-il pas temps que nous sortions de cette malheureuse ornière, et qu’au lieu de nous épuiser davantage à la recherche du meilleur gouvernement, de la meilleure organisation à faire de l’idée politique, nous posions la question, non plus sur la réalité, mais sur la légitimité de cette idée ?

Pourquoi croyons-nous au Gouvernement ? D’où vient, dans la société humaine, cette idée d’Autorité, de Pouvoir ; cette fiction d’une Personne supérieure, appelée l’État ?

Comment se produit cette fiction ; Comment est-ce qu’elle se développe ? Quelle est sa loi d’évolution, son économie ?

N’en serait-il point du Gouvernement comme de Dieu et de l’Absolu, qui ont si longtemps et si infructueusement occupé les philosophes ? Ne serait-ce pas encore une des conceptions primogènes de notre entendement, auxquelles nous donnons à tort le nom d’idées, et qui, sans réalité, sans réalisation possible, n’expriment qu’un indéfini, n’ont d’essence que l’arbitraire ?

Et puisque, relativement à Dieu et à la Religion, l’on a trouvé déjà, par l’analyse philosophique, que sous l’allégorie de ses mythes religieux, l’Humanité ne poursuit autre