Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/213

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la profession, les infirmités, le domicile ? Fera-t-on des conditions aux indigents ? Les obligera-t-on, par exemple, à vivre dans des établissements spéciaux et des localités déterminées ? à la campagne plutôt qu’à la ville ? Nous tombons dans le régime des maisons de force : l’assistance, indemnité du travail, devient, chose monstrueuse, l’indemnité de la liberté. Ce n’est pas tout : qui fera les fonds de l’assistance ? les propriétaires ? 200 millions n’y suffiront pas ; il faudra donc créer de nouveaux impôts, écraser la propriété pour fournir une subvention au prolétariat. Organisera-t-on un système de retenue sur les salaires ? Alors, ce n’est plus l’État, ce ne sont plus les propriétaires et les capitalistes qui assistent ; ce sont les travailleurs qui s’assistent les uns les autres : l’ouvrier qui travaille paye pour celui qui ne travaille pas, le bon pour le mauvais, l’économe pour le prodigue et le débauché. Dans tous les cas, l’assistance devient une retraite pour l’inconduite, une prime à la paresse : c’est le contre-fort de la mendicité, la providence de la misère. Le paupérisme devient ainsi chose constitutionnelle ; c’est une fonction sociale, un métier consacré par la loi, payé, encouragé, multiplié. La taxe des pauvres est un argument au désordre contre les caisses d’épargnes, caisses de retraites, tontines, etc. Pendant que vous moralisez le peuple par vos institutions de prévoyance et de crédit, vous le démoralisez par l’assistance. Encore une fois, je ne veux point agiter ces questions délicates, où l’abus se mêle partout au bien et à l’utile, où la justice n’est que passe-droit. Je demande quelle peut être l’action du pouvoir dans une institution qui a pour principes, d’un côté l’envie, et de l’autre la haine ? une institution qui constate, entretient, sanctifie l’antagonisme de deux castes, et qui semble figurer dans la Déclaration des Droits et des Devoirs comme la pierre d’attente d’une guerre sociale ?

Évidemment, le droit à l’assistance, de même que le droit