Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulu faire comprendre, en quelques paroles à l’Assemblée constituante, si cette Assemblée, impatiente de lieux communs, avait été capable d’écouter autre chose que des lieux communs ; si, dans son aveugle prévention pour toute idée nouvelle, dans ses provocations déloyales aux socialistes, elle n’avait pas eu l’air de leur dire : Je vous défie de me convaincre !

Mais il en est des assemblées comme des nations : elles ne s’instruisent que par le malheur. Nous n’avons point assez souffert, nous ne sommes pas assez châtiés de notre servilité monarchique et de notre fanatisme gouvernemental, pour que nous aimions de sitôt la liberté et l’ordre. Tout en nous conspire encore, avec l’exploitation de l’homme par l’homme, le gouvernement de l’homme par l’homme.

Il faut à Louis Blanc un pouvoir fort pour faire ce qu’il appelle le bien, qui est l’application de son système, et pour dompter le mal, qui est tout ce qui s’oppose à ce système.

Il faut à M. Léon Faucher un pouvoir fort et impitoyable, afin de contenir les républicains et d’exterminer les socialistes, à la gloire de l’économie politique anglaise et de Malthus.

Il faut à MM. Thiers et Guizot un pouvoir quasi-absolu, qui leur permette d’exercer leurs grands talents d’équilibristes. Qu’est-ce qu’une nation de laquelle l’homme de génie serait forcé de s’exiler, faute d’y trouver des hommes à gouverner, une opposition parlementaire à combattre, et des intrigues à suivre avec tous les gouvernements ?

Il faut à MM. de Falloux et Montalembert un pouvoir divin, devant lequel tout genou fléchisse, toute tête s’incline, toute conscience se prosterne, afin que les rois ne soient plus que les gendarmes du pape, vicaire de Dieu sur terre.

Il faut à M. Barrot un pouvoir double, législatif et exécutif, afin que la contradiction soit éternelle dans le parlement, et que la société n’aie d’autre fin, en cette vie et en l’autre, que d’assister aux représentations constitutionnelles.