Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/316

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doit entraîner, dans un temps donné, celle du catholicisme. S’il existait encore de vrais chrétiens, ils se lèveraient, ils se tourneraient vers les évêques : La religion est en danger, leur diraient-ils. Pères de l’Église, avisez !

Pour moi, après la séance du 16 avril, je commençai à m’effrayer de la rapidité des événements. J’en étais presque à regretter les coups portés à l’Église par la main de ses propres chefs : si ce n’était par intérêt pour la religion, c’était par respect de l’humanité. Le catholicisme est l’élément organique le plus ancien, le plus puissant encore des sociétés modernes : comme plus ancien et plus puissant, il ne peut être révolutionné que le dernier. Sa transformation suppose, comme conditions préalables, une révolution politique et une révolution économique. La conduite des jésuites et de la cour de Rome renversait toutes les lois de l’histoire, toutes les notions du progrès : j’étais presque tenté de voir, dans cette politique de désespoir, une perfidie de plus contre la révolution.

Cependant le socialisme ne pouvait aller au secours du principe contradicteur : sa marche était tracée. Le devoir révolutionnaire interdisait aux organes de la démocratie socialiste de garder le silence : il leur commandait au contraire de protester, bien que leur protestation ne pût avoir d’autre effet que d’activer la passion des réacteurs. Il fallait appeler sur cette grande controverse le jugement des nations, donner à l’expédition dirigée contre le peuple romain, à son esprit, à ses moyens, à son but, à ses effets, la plus grande publicité. Il fallait, puisque ainsi l'avaient voulu les hommes de Dieu, poser dans toute conscience le fatal dilemme ; montrer le catholicisme de persécuté devenu persécuteur, de martyr bourreau ; l'Église romaine changée en furie ; un pape faisant bombarder ses ouailles ; les cardinaux et les prêtres dressant les listes de proscription ; les travailleurs et les pauvres, jadis les hommes de la foi, les meil-