Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/352

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nécessaire à la discipline des rois et des peuples ; qui ensuite, au moment voulu, prononça par la bouche de Philippe-le-Bel la séparation de l’Église et de l’État, condition de tout progrès, de toute liberté ultérieure. C’est la France qui a donné le signal des croisades, et qui, longtemps après, sous François Ier, a préludé à la régénération de l’Orient, en faisant entrer le Turc dans le système européen. C’est la France enfin qui par sa grande révolution a défait le pouvoir absolu, mis la royauté au ban des peuples, rendu la liberté civile et l’égalité devant la loi irrévocables. C’est la France aujourd’hui qui assume la responsabilité et l’initiative d’une refonte générale des institutions, des mœurs, des idées, des fortunes, et qui, dans cette élaboration douloureuse d’un avenir inconnu, tient suspendues les destinées du genre humain.

Notre part est belle, assurément, dans l’éducation de l’humanité. Nous avons donné plus que nous n’avons reçu : nul peuple ne peut revendiquer sur nous la gloire d’avoir rendu de plus nombreux et de plus signalés services au progrès.

Est-il vrai, pour cela, comme le disent nos mythologues et nos flatteurs, que la France ait reçu la haute direction de l’humanité ? que nous soyons la race élue, le peuple évangélisateur par excellence, héraut et moniteur des révolutions ?

Défaisons-nous de ce nationalisme, renouvelé des Romains, des Grecs, des Arabes, des Juifs, des Égyptiens, des Assyriens, des Perses, des Indiens, des Chinois, des Mongols, de tous les peuples, civilisés et barbares, qui ont joué un rôle dans l’histoire ; nationalisme dont nous partageons encore aujourd’hui le ridicule avec les Américains, les Anglais, les Allemands, les Slaves, les Maggyares, que sais-je ? les Cosaques du Don et de la mer Noire. Non, il n’est pas historiquement ou providentiellement parlant, de préséance entre les peuples ; et la preuve, c’est qu’il n’existe aucune nation, si petite soit-elle, qui, dans les siècles anciens ou dans