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III.


NATURE ET DESTINATION DU GOUVERNEMENT.


Il faut, dit l’Écriture sainte, qu’il y ait des partis : Oportet hœreses esse, — Terrible Il faut ! s’écrie Bossuet dans une adoration profonde, sans qu’il ose chercher la raison de cet Il faut !

Un peu de réflexion nous a révélé le principe et la signification des partis : il s’agit d’en connaître le but et la fin.

Tous les hommes sont égaux et libres : la société, par nature et destination, est donc autonome, comme qui dirait ingouvernable. La sphère d’activité de chaque citoyen étant déterminée par la division naturelle du travail et par le choix qu’il fait d’une profession, les fonctions sociales combinées de manière à produire un effet harmonique, l’ordre résulte de la libre action de tous ; il n’y a pas de gouvernement. Quiconque met la main sur moi pour me gouverner est un usurpateur et un tyran ; je le déclare mon ennemi.

Mais la physiologie sociale ne comporte pas d’abord cette organisation égalitaire : l’idée de Providence, qui apparaît une des premières dans la société, y répugne. L’égalité nous arrive par une succession de tyrannies et de gouvernements, dans lesquels la Liberté est continuellement aux prises avec l’absolutisme, comme Israël avec Jéhovah. L’égalité naît donc continuellement pour nous de l’inégalité ; la Liberté a pour point de départ le Gouvernement

Lorsque les premiers hommes s’assemblèrent au bord des forêts pour fonder la société, ils ne se dirent point, comme feraient les actionnaires d’une commandite : Organisons nos droits et nos devoirs, de manière à produire pour chacun et pour tous la plus grande somme de bien-être, et amener en même temps notre égalité et notre indépendance. Tant de raison était hors de la portée des premiers hommes, et en