Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/60

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Bourbons l’avait été par l’article 14. Ni Louis-Philippe, ni Charles X ne faillirent à leur mandat : c’est pour y avoir été trop fidèles qu’ils sont tombés l’un et l’autre.

Le parti prêtre avait manifesté plus d’une fois l’espoir de rentrer dans son temporel, et de recouvrer les priviléges et l’influence que lui avait enlevés la Constitution de 1790. Il se prévalait dans ce but d’un autre article de la Charte qui déclarait la religion catholique religion de l’État. Pour tranquilliser les égoïsmes autant que les consciences, on décida qu’à l’avenir il n’y aurait plus de religion de l’État. Disciple de Hégel et de Strauss, je ne l’eusse point demandé : comment admettre une justice de l’État, une administration de l’État, un enseignement, une police de l’État, et rejeter la religion de l’État ? Les doctrinaires n’hésitèrent pas. C’était le premier pas vers la décentralisation, exprimée dans les vœux des Girondins.

Enfin on mit le sceau à la réforme, en décrétant : « Art. 67. La France reprend ses couleurs. À l’avenir, il ne sera plus porté d’autre cocarde que la cocarde tricolore. » — Comme si l’on eût dit : La seule chose qui soit légitime, à présent, et sainte, et sacrée, c’est la Révolution. Par cet article, le gouvernement était déclaré révolutionnaire ; le pouvoir mis sous les pieds du peuple ; l’autorité subordonnée, non à ses propres principes, mais au jugement de l’opinion. Un nouvel ordre de choses était créé.

Ainsi, par la Charte de 1830, l’antique absolutisme se trouvait atteint, d’une part, dans la royauté, faite à l’image de la bourgeoisie, dont elle n’était plus que le mandataire ; puis dans le catholicisme, autrefois dispensateur et arbitre des États, maintenant salarié de l’État, ni plus ni moins que les autres cultes. Jusqu’alors, le pouvoir était resté dans le ciel : on le fit, par cet exorcisme, descendre des nues et prendre racine dans le sol. Il était mystique : on le rendit positif et réel. Dès lors on put dire qu’il n’y en avait pas