Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/85

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pays contre les entreprises des minorités ? Or, il n’y aurait eu ni 16 avril, ni 15 mai, si le gouvernement, avec sa force irrésistible, n’eût été comme une irrésistible tentation à l’impatience des démocrates.

Tout a été pris à contre-sens le lendemain de février. Ce qu’il n’appartenait pas au gouvernement d’entreprendre, on l’a voulu faire ; et c’est pour cela qu’on a conservé le pouvoir tel qu’on l’avait repris à la monarchie de juillet, qu’on en a même augmenté la force. Ce que l’on devait faire, on ne l’a pas fait ; et c’est pour cela que, dès le 17 mars, la Révolution était refoulée, au nom du pouvoir, par ceux-là mêmes qui en paraissaient être les plus énergiques représentants. Au lieu de rendre au peuple sa fécondité initiatrice par la subordination du pouvoir à ses volontés, on cherchait à résoudre, par le pouvoir, des problèmes sur lesquels le temps n’avait pas éclairé les masses ; pour assurer soi-disant la Révolution, on escamotait la liberté ! Rien ne s’offrait aux réformateurs de ce qui s’était vu aux grandes époques révolutionnaires : nulle impulsion d’en bas, nulle indication de l’opinion ; pas un principe, pas une découverte qui eût reçu la sanction du peuple. Et ce peuple, ils alarmaient journellement sa raison par des décrets qu’ils condamnaient eux-mêmes. Ne pouvant les justifier par des principes, ils prétendaient les excuser, ces décrets, au nom de la nécessité ! Ce n’était plus, comme la veille, l’antagonisme, c’était le charivari de la liberté et du pouvoir.

Relisez donc l’histoire, et voyez comment se produisent et comment s’achèvent les révolutions.

Avant Luther, Descartes et l’Encyclopédie, l’État, fidèle expression de la société, livre aux bourreaux les hérétiques et les philosophes ! Jean Hus, le précurseur de la Réforme, est brûlé à Constance, après la condamnation du concile, par le bras séculier. Mais peu à peu la philosophie s’insinue au cœur des masses : aussitôt l’État amnistie les novateurs,