Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/492

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sociale du pays ; devant cette annihilation des libertés, des croyances et des droits, dont la cause est supérieure au pouvoir et le domine lui-même, il est permis de croire que la fatalité des choses sera plus puissante que la prudence des hommes, et que, par l’Empire ou malgré l’Empire, une liquidation est imminente.

Napoléon Ier, en 1814 et 1815, vaincu par les armées alliées, refusa d’organiser les corps francs et d’insurger les masses : il recula devant l’anarchie. Il se peut que Napoléon III, vaincu par la coalition des dettes, renouvelle cet exemple de dévouement à l’ordre, et recule à son tour devant la banqueroute. Du moins il n’abdiquera pas avant d’avoir épuisé tous les expédients. Or, l’ensemble de ces expédients, qu’il est aisé de prévoir, constitue précisément la dernière victoire du prolétariat, de ce que nous avons appelé le gouvernement des instincts : c’est la conversion progressive de la féodalité industrielle en empire industriel, la réalisation du programme communiste.

Comment croire que le gouvernement laisse à des compagnies, jusqu’à fin de bail, les chemins de fer ?

Qu’il leur laisse les banques, le change, les assurances, les docks, les mines, les canaux, les salines, les armements ?

Qu’il leur laisse la Bourse et les reports ?

Qu’il leur laisse même les forges, les gaz, les voitures, et tant d’autres industries, formées en anonyme, cotées à la Bourse, et dont la procession s’allonge, tous les jours, aux dépens de la production individualiste et libre ?…

Est-ce que déjà la pensée de s’emparer de toutes ces choses ne lui est pas venue ? Est-ce qu’elle ne remplit pas l’atmosphère ? Est-ce qu’elle ne se produit pas à chaque instant sous toutes les formes : tantôt par la loi sur la commandite, qui, poussant l’industrie dans les voies de l’anonyme, étend sur elle, par cela même, la protection du gouvernement ; tantôt par un règlement sur la boucherie, la boulangerie, le commerce des grains, les tarifs de navigation et de chemins de fer ; tantôt par la centralisation des assurances et des banques ? Est-ce que, sous prétexte d’utilité publique, les plus violentes attaques ne sont pas chaque jour dirigées