Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/51

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pour leur inspirer le moindre regret. Du reste, rien n’avait été ménagé depuis un an pour rendre aux capitaux la sécurité et l’audace ; l’empire, s’annonçant avec les intentions les plus pacifiques, redoublait la ferveur de la spéculation. Napoléon III, disait-on, ne voulait régner que par et pour la rente et le dividende.

Surgit la question d’Orient : sans doute la raison des intérêts va plier devant la raison d’État ! Détrompez-vous : comme Catilina poussé au désespoir s’écriait en plein Sénat : Incendium meum ruina restinguam, la puissance qui règne à la Bourse semble dire à celle qui commande aux Tuileries : Si tu me brûles, je t’écrase !…

Dès le 17 mars 1853, quinze jours après l’arrivée du prince Mentschikoff à Constantinople, le 3 0/0 n’était plus qu’à 80 80, le 4 ½ à 104. Le 21, à la nouvelle du départ de la flotte française pour la baie de Besica, baisse de 2 fr. Les mêmes dépressions se manifestent à chaque nouvelle alarmante, suivies de vigoureuses reprises à chaque éclaircie de l’horizon. Ainsi le 3 0/0, qui était encore six mois après, le 17 septembre, à 76 90, tombait, le 5 octobre, à la suite de publications menaçantes pour l’Autriche dans les journaux anglais, à 72 70, en baisse de 8 fr. 80 c. depuis la mission du prince Mentschikoff ; puis tout à coup, à la réception de bulletins défavorables aux Turcs, les fonds remontent, et le 12 décembre, jour où fut connu à Paris le désastre de Sinope, le 3 0/0 fermait à 76 10. Quoi donc ! les capitaux français, qui ont applaudi au coup d’État du 2 décembre, qui ont accueilli par une hausse énorme la nouvelle du rétablissement de l’empire, seraient-ils, en moins d’un an, devenus, comme en 1814, partisans de l’étranger ?…

Qui le croirait méconnaîtrait l’essence et le génie du capital.

Le capital est cosmopolite : il ne connaît ni rivalités d’États, ni haines de religions ou de races. Que lui fait par exemple le Saint-Sépulcre ? Il se soucie bien de cette relique !… Vous lui parlez des chrétiens d’Orient. Est-ce, demande-t-il, qu’ils n’eussent pas été protégés tout aussi bien et même mieux par l’empereur des Cosaques que par celui