Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/58

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mirages, monde transcendant, que l’Ordonnateur souverain a livré aux investigations des mortels, tradidit disputationibus eorum, plus d’une fois le pouvoir, sous prétexte de moralité publique, a essayé d’étendre sur elle sa main réglementaire, et toujours elle l’a convaincu d’ineptie et d’impuissance. Que la presse soit muselée, la librairie tarifée, la poste surveillée, la télégraphie exploitée par l’État, la Spéculation, par l’anarchie qui lui est essentielle, échappe à toutes les constitutions gouvernementales et policières. Entreprendre de placer, sur ce dernier et infaillible truchement de l’opinion, un abat-jour, ce serait vouloir gouverner dans les ténèbres d’Égypte, ténèbres si épaisses, au dire des rabbins, qu’elles éteignaient les lanternes et les bougies !

Comment, par exemple, interdire les marchés à terme ?

Pour défendre les marchés à terme, il faudrait arrêter les oscillations de l’offre et de la demande, c’est-à-dire garantir à la fois au commerce la production, la qualité, le placement et l’invariabilité du prix des choses ; annuler toutes les conditions aléatoires de la production, de la circulation et de la consommation des richesses ; en un mot, supprimer toutes les causes qui excitent l’esprit d’entreprise : chose impossible, contradictoire. L’abus est donc indissolublement lié au principe, à telle enseigne que, pour atteindre l’abus, par toutes voies de prévention, coercition, répression, interdiction, exception, on fait violence au principe ; pour se guérir de la maladie, on se tue.

Il n’y a pour une société, pour un gouvernement, qu’une manière de mettre fin aux abus de la spéculation boursière : c’est, pour les fonds publics, et généralement pour tous placements de capitaux, d’organiser l’amortissement des dettes, ce qui implique une autre organisation du crédit ; en second lieu, de rendre cet amortissement facile par la réduction indéfinie de l’intérêt ; enfin, de faire de l’amortissement, comme autrefois de l’intérêt, la condition sine quâ non de tout emprunt, tant privé que public ; — pour les chemins de fer, les canaux, les mines, les assurances, la Banque, etc., de liquider les sociétés existantes, et de remplacer la commandite des capitalistes par la mutualité des